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La retraite à 76 ans

Photo récente de Joe Lockyer

Joe Lockyer

Joseph Lockyer réside aujourd’hui à Boat Harbour, à T.‑N.‑L. Dès l’âge de 15 ans, il a quitté la maison pour partir travailler et durant les cinquante années suivantes, il a gagné sa vie dans de nombreux endroits. Lorsqu’il a pris sa retraite à 76 ans, il est retourné s’installer dans sa ville natale de Boat Harbour.

C’est en 1953, à l’âge de 15 ans, que Joseph a décidé d’aller travailler comme bûcheron dans les forêts de Deer Lake. Ses parents ne voulaient pas le laisser partir, mais il a dit que les autres partaient aussi et qu’il se sentait obligé de faire comme eux. Harold Walters a fait le voyage avec lui et a travaillé à ses côtés pendant le premier mois à Deer Lake.

Le jour de leur départ en 1953, ils ont tous deux pris un taxi jusqu’à Goobies d’où partait le train qui a amené Joseph à Deer Lake. C’est là qu’il a commencé sa carrière. Plus de 50 ans plus tard, il s’est assis à côté de moi pour me raconter l’histoire de sa vie professionnelle amorcée il y a si longtemps.

À l’époque, un bûcheron était payé 6 $ la corde et gagnait 80 $ par mois, moins 1 $ par jour pour se nourrir et se loger. Le travail était dur dans ce temps‑là selon Joseph, car on n’avait qu’une scie à bûches étant donné qu’il n’existait pas de scies à chaîne. Il a travaillé comme bûcheron saisonnier pendant 4 à 5 ans. Tous les trois mois, il revenait à la maison pour un mois environ puisque, disait‑il, on trouvait toujours à se faire embaucher pour couper du bois. Il travaillait en pleine forêt, à 40 ou 50 milles de Deer Lake, et pour encaisser son premier chèque de paie, il lui fallait se rendre à Deer Lake même. Les premiers achats qu’il a faits avec cet argent durement gagné ont été un sac de couchage et une valise. Il connaissait sa femme depuis l’enfance et, à l’âge de 18 ans, ils se sont mariés et ont eu un enfant.

Ses voyages l’ont amené ensuite à de nombreux endroits et, comme il disait, il est allé quasiment partout.

Navire-Le Fergus quittant le port

Le Fergus

Après avoir travaillé dans les forêts, il a pris la mer à bord d’un bateau nommé MV Fergus, basé en Nouvelle‑Écosse. Il est devenu steward et plus tard marin. « Je me rappelle que j’avais le mal de mer les premiers jours, raconte-t-il, le temps de m’habituer à la navigation ». Il gagnait un peu plus d’argent à cette époque‑là, soit 140 $ par mois.

Navire de la Garde côtière-le Sir Humphrey Gilbert, dans le port. En arrière-plan, vue de la ville

Le Sir Humphrey Gilbert

Après cela, il a travaillé à bord d’un navire de la Garde côtière nommé Sir Humphrey Gilbert. Il a navigué dans les Maritimes, le Canada atlantique et l’Arctique. Les communications n’étaient pas ce qu’elles sont maintenant, indique-t-il. Les lettres et les télégrammes étaient les deux seules façons d’échanger des nouvelles avec les êtres chers restés à la maison. Il se souvient qu’à l’époque où il travaillait pour la Garde côtière, il avait commencé un matin à 5 h et n’avait arrêté qu’à 1 h le lendemain matin. Après 8 heures de travail, vous touchiez 1 $ par heure supplémentaire. Dans la Garde côtière, le temps qu’on passait à la maison était limité. Joseph n’avait que six semaines de vacances par an et il les prenait l’hiver pour être avec sa famille.

Ensuite, il a travaillé un an à bord d’un palangrier et deux ans sur un dragueur de grands fonds basé à Harbour Breton.

Le secteur de la construction a pris ensuite une grande place dans la vie de Joseph, qui n’a cessé de se déplacer pendant 17 ans au hasard des offres de travail. Il a commencé par Grandy’s Construction à Fortune, avec un salaire de 1,20 $ de l’heure. Il a supervisé quelques grands projets, avec 32 hommes sous ses ordres et 32 sous‑traitants. La sécurité était le souci numéro un, car les travaux de construction étaient dangereux. Pendant qu’il travaillait à Churchill Falls, raconte-t-il, plusieurs personnes ont trouvé la mort sur ce chantier. Les choses n’étaient pas toujours faciles en ce temps‑là.

Même après avoir pris sa retraite à 76 ans en 2014, il a été tenté de retravailler dans le secteur de la construction, et encore cette année, on lui a proposé d’aller superviser des chantiers. Il a tâté le terrain auprès de sa femme. Quand il lui a dit : « J’crois bien que j’vais repartir », la réponse a été catégorique : « Pas question ».

Photo de Boat Harbour en hiver

Boat Harbour en hiver

Joseph réside avec sa femme à Boat Harbour et quand il se réveille le matin, il dit qu’il doit trouver quelque chose à faire pour se tenir occupé. Une vie de rude labeur exige beaucoup de volonté et de sacrifices.

L’interview de Joe Lockyer

Remerciements : Joseph Lockyer