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La marginalisation

Malgré les nombreux apports des Métis dans le cadre de la traite des fourrures et de la formation du Canada, ils ont été une grande cible de discrimination vers la fin des années 1800. Ils se sont vu refuser des droits, ont été laissés pour compte par le gouvernement et ont été dissuadés de conserver leur patrimoine. Pour survivre malgré le traitement hostile et souvent violent qui leur a été infligé par le gouvernement et des particuliers, de nombreux Métis ont été obligés de se dissocier d’autres Métis. Les membres de la famille Hardisty figuraient parmi les personnes dont l’indigénéité s’est faite invisible. Ainsi, en public, Belle, ses parents, ses frères et sœurs, ses tantes et oncles ne se sont jamais qualifiés de Métis, sauf pour obtenir des certificats de possession foncière.

Lawrence Gervais parle du peuplement Métis, avec transcription.

Au début, les Métis étaient des personnes nées d’un parent non autochtone, généralement Français, Écossais, Irlandais ou Anglais et d’un parent autochtone. La plupart du temps, le père n’était pas Autochtone, et la mère l’était. Pour survivre, les commerçants de fourrures européens s’appuyaient sur les compétences et les connaissances des femmes autochtones, surtout leurs connaissances de la terre. Avec le temps, les Métis ont développé leur propre langue et leur propre culture.

Malgré sa connotation négative, l’expression « sang-mêlé » était couramment employée par les non-Autochtones de l’époque pour décrire, officieusement et officiellement, les personnes de descendance mixte, européenne et autochtone. Même si elle ne parlait pas de son indigénéité, Belle était souvent qualifiée de « sang-mêlé ». Le chef Buffalo Child Long Lance avait écrit à son propos en 1924.

« Certains des meilleurs citoyens du Canada sont de descendance écossaise et indienne. Lady Lougheed… est une sang-mêlé. » [traduction libre][1]

La Loi de 1870 sur le Manitoba et, plus tard, l’Acte des terres fédérales de 1872 cherchaient à dissiper les inquiétudes des Métis au sujet de leurs droits fonciers et de leur représentation politique grâce à la délivrance de certificats par le gouvernement fédéral, appelés « certificats des Métis ». Ces certificats ont servi à anéantir le titre autochtone des Métis en leur remettant des certificats individuels qu’ils pouvaient échanger contre des terres. Ces certificats couvraient 160 ou 240 acres de terrain, dépendant de l’âge et du statut du demandeur.

Cependant, contrairement aux traités conclus avec les Indiens du Nord-Ouest, les certificats ne garantissaient ni ne protégeaient les terres des Métis. Ces certificats pouvaient être vendus à n’importe qui, et souvent, les spéculateurs les achetaient pour une fraction de leur valeur. Ces certificats ne garantissaient pas de droits fonciers et ne réglaient pas les problèmes financiers des Métis ou les transitions qu’ils vivaient, comme s’adapter à la société agricole européenne et à la perte du bison dans les prairies. Par ailleurs, la plupart des terres auxquelles les Métis avaient droit grâce à leurs certificats se trouvaient dans le sud des provinces de l’Ouest, ce qui signifie que ceux qui habitaient dans le Nord devaient franchir des centaines de kilomètres pour réclamer leurs terres.

Demande de certificat de Métis de Richard Hardisty

Demande de certificat de Métis de Richard Hardisty, 1885. Bibliothèque et Archives Canada.

En 1885, Richard Charles Hardisty, l’oncle de Belle, avait réussi à se procurer des terres en vertu d’un certificat, puis en 1901, Mary Anne Allen Hardisty Thomas, la mère de Belle, avait reçu un certificat. Mary Anne avait aussi reçu un certificat au nom de son fils Dick mort au combat à Batoche.[2] Richard Charles s’est probablement servi de son certificat pour obtenir des terres et faire grandir sa fortune, tandis que Mary Anne, qui avait sombré dans la pauvreté vers la fin de ses jours, a probablement utilisé son certificat ou l’argent de la vente de son certificat pour subvenir à ses besoins.

Deux mois après la bataille de Batoche et la capitulation de Louis Riel, le premier ministre Macdonald a prononcé un discours révélateur au sujet de l’indigénéité à la Chambre des communes.

« S’ils sont Indiens, ils vont avec les tribus. S’ils sont de sang-mêlé, ils sont Blancs et ils ont exactement la même relation avec la Compagnie de la Baie d’Hudson et le Canada que s’ils étaient complètement Blancs. » [traduction libre][3]

Dans son discours, John A. Macdonald excluait les peuples autochtones et refusait d’admettre les injustices dont les Métis avaient été victimes. Son discours a donné le ton à la manière dont les peuples allaient négocier leur identité à l’issue de la rébellion. Comme bien d’autres Métis, Belle et sa famille se sont dissociés de leur indigénéité pour survivre dans un pays à la fois apathique et inconséquent à l’égard des Métis et de leurs afflictions.

[1] Chef Buffalo Child Long Lance, « Indians of the Northwest and West Canada », The Mentor, vol. 12, no 2, 1924, p. 6

[2] Mary Thomas, demandes de certificat des Métis à Oak Point, Manitoba, le 19 juillet 1901. Voir « Thomas, Mary, » LAC, RG15, D-II-8-c, vol. 1369, bobine C-15006, demande no 747, MIKAN en ligne no 1515357, URL : http://collectionscanada.gc.ca/pam_archives/index.php?fuseaction=genitem.displayItem&rec_nbr=1515357&lang=eng&rec_

nbr_list=1515358,1515357,1497738,1510519,1510522,1510379,1506361,1515236; « Thomas, Mary; pour son fils défunt, Richard Thomas Hardisty », LAC, RG15, D-II-8-c, vol. 1369, bobine C-15006, demande no 748, MIKAN en ligne no 1515358, URL : http://collectionscanada.gc.ca/pam_archives/index.php?fuseaction=genitem.displayItem&rec_nbr=1515358&lang=eng&rec

_nbr_list=1515358,1515357,1497738,1510519,1510522,1510379,1506361,1515236

[3] John A. Macdonald, discours à la Chambre des communes, le 6 juillet 1885