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Un loup en pierre de savon, un guide sur la voie de la guérison

Photo récente, en couleurs, d’un soldat, tête nue, avec un large sourire. Il est debout, à l’extérieur, au début du printemps, avant la débâcle de la rivière derrière lui.

Le caporal Barrett Fraser, v. 2015.

La brutalité de la guerre

La guerre peut être une expérience brutale et cruelle, elle peut même toucher l’être humain jusqu’au plus profond de son âme. Le caporal Barrett Fraser, des Calgary Highlanders, comprend cette réalité comme peu d’autres personnes. Il a été grièvement blessé le 30 décembre 2009 près de Kandahar, en Afghanistan.

L’explosion dévastatrice qui a changé la vie de Barrett Fraser s’est produite alors qu’il était à bord d’un véhicule militaire en patrouille. L’un des plus puissants engins explosifs improvisés jamais déployé contre les Canadiens en Afghanistan a explosé sous le véhicule à côté du sien.

L’explosion a tué la journaliste Michelle Lang et quatre soldats canadiens : le soldat Garrett Chidley, les sergent George Miok et Kirk Taylor, ainsi que le caporal Zachery McCormack.

Un long chemin vers la guérison

La perte dévastatrice de ses amis proches et ses graves blessures physiques ont forcé Fraser à entreprendre un long et pénible chemin vers la guérison physique et psychologique.

Durant sa longue convalescence, son équipe de soins de santé lui suggéra de chercher la compagnie d’autres personnes et de se livrer à une occupation manuelle créative. Son psychiatre lui a alors suggéré de suivre des cours d’art, mais Fraser était plutôt hésitant, car il doutait que cela puisse l’aider.

Activités de soutien aux soldats blessés

L’Armée canadienne traite les soldats blessés dans des installations spéciales, comme celle d’Edmonton, où le caporal Fraser a passé sa convalescence.  Outre les soins médicaux, ces installations offrent une diversité de cours, allant de la peinture à la sculpture de pierre de savon, ainsi que des activités comme le jardinage et la pêche à la mouche.

Ces programmes interactifs se sont avérés être un élément très efficace du régime de physiothérapie et de thérapie émotionnelle pour les soldats souffrant du Trouble de stress post-traumatique (TSPT).

En 2010, environ six mois après l’évènement catastrophique, Fraser accepta de suivre un cours de sculpture sur pierre de savon, offert bénévolement par un artiste. À ce moment-là, il ne pouvait savoir comment ce simple choix aurait une incidence si profonde sur sa guérison.

 

Sculpture d’un loup stylisé en pierre de savon, de couleur rouille et au fini très lisse.

Loup en pierre de savon, sculpté par le caporal Barrett Fraser, (13,8 x 24,8 x 7,8 cm, v. 2010.)

Le loup, symbole de guérison

La classe durait quelques heures, une fois par semaine, dans le district nord d’Edmonton et comprenait le transport assisté, car Fraser se servait encore d’un fauteuil roulant; de plus, les matériaux et les outils étaient fournis gratuitement.

Barrett Fraser décida de choisir un symbole qui exprimerait la volonté qui allait l’animer durant sa convalescence. Il a donc choisi le loup qui lui semblait être un animal puissant, intelligent et tenace. Pour lui, cet animal était un choix approprié pour bien le représenter, c’est-à-dire quelqu’un qui refusait d’abandonner malgré des épreuves physiques et psychologiques si troublantes.

En parlant de ce cours et de son expérience, Fraser déclare aujourd’hui : « Cela m’a vraiment aidé à l’époque où j’étais à Edmonton. Je suis resté là un peu plus de deux ans, car j’ai dû subir plusieurs interventions. C’était bien, parce que je pouvais produire quelque chose et garder le bon moral. »

L’artisanat et la guérison : un long cheminement

Aujourd’hui, alors qu’il regarde les sculptures créées pendant ce cours, Fraser déclare : « Elles me rappellent ces multiples périodes de convalescence. C’était une série ininterrompue de séjours à l’hôpital. J’ai eu seize interventions chirurgicales en tout. Il me semblait que j’étais toujours en convalescence et j’avais le moral assez bas. J’avais perdu mes amis et la sculpture m’a aidé à penser à d’autre chose et à rester positif. Aujourd’hui, ces pièces me rappellent ce qui m’était arrivé et tout ce que j’ai dû endurer, et que je dois continuer à être positif et énergique, et surtout ne jamais abandonner. »

La convalescence suite à une grave blessure sur le champ de bataille ainsi que la création artisanale exigent, l’une comme l’autre, énormément de temps. Et vivre en même temps cette convalescence et cette création font que les œuvres ainsi créées deviennent un véritable symbole du long processus de guérison. Le résultat n’est pas, par exemple, la simple sculpture d’un loup. Au contraire, la patience durant l’acte de création possède un lien direct avec la ténacité que nécessite toute convalescence.

Les citations viennent d’une entrevue de Julia et Yolande Krueger avec le caporal Barrett Fraser en 2015.

Si vous souhaitez voir d’autres exemples d’art des tranchées et d’autres objets d’artisanat canadiens liés à la guerre, cliquez ici.