Musée régional de Vaudreuil-SoulangesVaudreuil-Dorion, Québec
Le canal de Soulanges (1899-1958) : une aventure technologique et humaine 4. Le canal de Soulanges (1899-1958) : un canal plein de surprises
4.1 Une construction difficile
La construction du canal de Soulanges fut une entreprise longue et difficile. Contrairement aux évaluations préliminaires de l'ingénieur responsable du projet Thomas Monro qui prévoyait la fin des travaux dès la fin du mois d'octobre 1894, différents facteurs ont contribué à retarder considérablement l'ouverture de cette voie navigable. L'un des principaux éléments expliquant ce phénomène est sans contredit la nature du sol de la région de Soulanges contre laquelle les entrepreneurs et les travailleurs luttèrent pendant sept ans afin d'y ériger un système de canalisation moderne. Bien qu'anticipées, la présence d'un nombre beaucoup plus élevé de pierres sur l'ensemble du parcours de même que l'instabilité de ce sol glaiseux reposant sur un lit de sable engendreront des retards considérables. Les rapports préparatoires avaient sous-estimé les conséquences de ce dernier phénomène géologique. En effet, durant l'ensemble des travaux d'excavation, des éboulis fréquents viendront compliquer la construction du canal. Dans les sections du tracé traversant les municipalités de Les Coteaux et de Coteau-du-Lac, en raison de la présence d'argile bleue molle et grasse, les glissements de terrain seront fréquents. Par exemple le 25 octobre 1897, à la hauteur du rang Saint-Emmanuel, un éboulement se produisit sur une distance de 400 mètres emportant au passage la culée de 3 000 tonnes destinée à supporter l'un des cinq ponts tournants. Les dommages que causa l'incident seront évalués à 80 000 $1. Afin de régler cette problématique, les ingénieurs responsables des travaux procéderont, à certains endroits clés, à l'aplanissement et à l'enrochement des berges du canal. Des murets en béton, également destinés à solidifier les parois de l'ouvrage, seront répartis le long du parcours2.
1. François Cartier. Canal de Soulanges. D'un défi à l'autre. Les Coteaux, Société de développement du canal de Soulanges / Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, 1999, pp. 50-51.
2. Mario Filion, dir. Histoire du Haut-Saint-Laurent. Sainte-Foy, Les Éditions de l'IQRC, 2000, p. 248.
4.2 Des entrepreneurs sous surveillance
Outre la nature du sol, l'incapacité de certains entrepreneurs à réaliser correctement l'aménagement de leur section du canal et les conflits que cette situation engendrera avec les ingénieurs du gouvernement fédéral occasionneront des délais supplémentaires. En effet, pendant les années que durera la construction du canal de Soulanges, sept sections sur treize, seront transférées à d'autres entrepreneurs. Ces décisions découleront principalement de l'incapacité de ces derniers à respecter les échéanciers, de l'utilisation des matériaux de moindre qualité et des divergences quant aux choix des techniques de réalisation retenues. À titre d'exemple, dans les sections 1 et 2 du canal situées à Pointe-des-Cascades, devant les difficultés du contracteur Archibald Stewart à réaliser promptement cette partie vitale du tracé, et ce, selon les normes définies sur les plans et devis, les autorités gouvernementales résilieront son contrat en décembre 1897 pour l'offrir aux entrepreneurs Ryan et MacDonald.
4.3 Un canal à compléter
Devant l'ampleur des retards et l'accroissement des coûts, le gouvernement canadien fera comprendre à l'ingénieur en chef Thomas Monro que la construction du canal se devait d'être complétée le plus rapidement possible. Dès 1897, une intensification des travaux sera observée. Comme le souligne l'historien François Cartier, c'est à partir de cette époque que la majorité des éléments de maçonnerie commenceront à s'élever (écluses, jetées, déversoirs, etc.)1. Un an plus tard, quatre des cinq ponts tournants de la Dominion Bridge Company de Lachine seront installés. L'augmentation du nombre de travailleurs présents sur les différents chantiers et l'usage de machinerie spécialisée s'accentueront également de façon significative. De plus, afin de profiter de cette lancée, les mois d'hiver seront mis à contribution. Néanmoins, il faudra attendre août 1899 pour que l'eau pénètre pour la première fois dans le canal de Soulanges permettant ainsi le passage des barges et dragueurs tout juste avant les derniers travaux d'excavation et de finition et les deux mois supplémentaires précédant son ouverture officielle2.
1. François Cartier. Canal de Soulanges. D'un défi à l'autre. Les Coteaux, Société de développement du canal de Soulanges / Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, 1999, pp. 52-55.
2. Ibid., p. 55.